Voice & Percussion cs334

 

 

 

 

 

 

 

 

Bienvenue au club, Andres ! Dès le départ, pointent des sons aigus qui évoquent pour un mieux un Phil Minton. Ray Strid qu’on a connu par le passé avec Mats Gustafsson, Barry Guy, Marylin Crispell, Joëlle Léandre est le complément parfait pour cette belle exploration vocale. Percussions légères, aérées, timbres variés, pas trop d’effets, juste ce qu’il faut au bon moment. On peut suivre ainsi le vocaliste dans ces ruminations glottales, poétiques. La voix est transformée, un peu timide, secrète, fragile dans une dizaine de pièces courtes, concises et bien balancées. La mise en commun des sons coule de source et tout est laissé à la sensibilité et à l’invention tout au long de ces miniatures. Les voyelles A E Å O sont intériorisées au plus près de la glotte (6) et le jodl à toute voix se déchaîne tous azimuts (7 Bang Bang). Chaque pièce raconte sa belle histoire. La percussion frottée, secouée, sélective – peaux, bois, métal -, vibrante, amortie, grattée s’intègre au processus. Lorsqu’un improvisateur instrumentiste dialogue avec un chanteur tel que Backer, Minton, Jaap Blonk ou moi-même, il est tenu d’adapter sa dynamique à celle du vocaliste. Et Andres Backer est un chantre de l’intime, du menu, de l’infra-voix. Le chant aigu dans sa gorge se décompose avec une qualité unique dans des occurrences voisines à celle de Minton, mais il n’y a aucun phénomène de « copiage », car on entend clairement qu’il s’agit de son registre éminemment personnel, inimitable.
Une belle découverte, cet Andres Backer, car les vocalistes masculins sont une espèce rares en terres improvisées (radicales) – on sait que les chanteuses font florès et sont devenues innombrables - comme si l’acte de rechercher les sons dans la voix humaine en révélait trop la fragilité et pouvait mettre en cause l’ordre des choses de la virilité. Les techniques alternatives creusent la voix de fausset, les harmoniques, les registres impossibles, l’invention phonétique à la limite de l’absurde. Il y a un côté un peu farce lorsqu’un chanteur improvise de cette façon et cela pourrait être pris pour un effet humoristique agaçant (pour certains), voire hystérique. Cela a l’air léger, enfantin, gratuit, trop drôle pour être pris au sérieux. Il a fallu bien des années et peut-être l’exemple magistral de Demetrio Stratos pour que Phil Minton affronte le public avec ses inventions vocales (1979). Sans doute un paradoxe, même si la voix humaine fascine. Bref, Andres Backer et Ray Strid font un beau travail et développent des idées intéressantes contre les réflexes conditionnés. On ne peut que recommander ce disque attachant et ô combien humain. Jean-Michel van Schouwburg (Orynx)